" La minute management et coaching #284 " L'agilité : quand un concept vivant devient un slogan creux !
- Jean-Luc FOURNEAUX

- 26 sept.
- 3 min de lecture

Parler d' " agilité " est aujourd'hui devenu un réflexe, presque une figure imposée. Les entreprises, les consultants, les managers, les écoles de commerce et même les institutions publiques revendiquent toutes leur part d'agilité. On organise des séminaires " agiles ", on vend des méthodes " agiles ", on recrute des " coachs agiles ". Mais à force d'être invoqué comme un mantra universel, le mot en vient à perdre de sa substance. Pire : il devient parfois l'exact contraire de ce qu'il désigne.
Aux origines : un manifeste, une idée smple
Le terme " agile " a émergé dans le monde du développement logiciel au tournant des années 2000. En février 2001, dix-sept experts se réunissent dans l'Utah et rédigent le Manifeste Agile. Le texte est court, limpide et propose une boussole : privilégier les individus et leurs interactions plutôt que les processus, livrer des solutions fonctionnelles plutôt que de produire une documentation exhaustive, colaborer avec les clients plutôt que de négocier des contrats, s'adapter au changement plutôt que de suivre un plan rigide.
En somme, l'agilité n'est pas une méthode : c'est un état d'esprit. Une façon d'accepter l'incertitude, d'expérimenter, de mettre l'humain au centre et de reconnaître que la valeur se construit dans l'interaction.
Le glissement sémantique : de l'esprit au label
Plus de vingt ans plus tard, que reste-t-il de cette philosophie ? Dans de nombreuses organisations, " agile " est devenu un label à coller sur n'importe quelle initiative pour la rendre séduisante. Une réorganisation ? Elle sera " agile ". Un plan stratégique sur dix ans ? Il sera " agile ". Un logiciel livré en retard ? On l'appellera quand même " agile ".
On assiste alors à une transformation en élément de langage marketing, où l'agilité est moins une pratique qu'une posture affichée. Comme l'ont été avant elle des termes comme " innovation ", " disruptif ", ou " lean ", l'agilité se dilue dans le bruit ambiant.
L'agilité contre l'agilité washing
Cette inflation verbale donne naissance à ce que l'on peut appeler " l'agile washing ": l'appropriation opportuniste du mot, sans que l'organisation ne change vraiment sa culture, ses pratiques ni son rapport au pouvoir.
Un exemple concret : des entreprises continuent à fonctionner de manière ultra-hiérachique, mais introduisent quelques cérémonies issues de Scrum (dialy stand-up, sprint review ) qu'elles brandissent comme preuve de modernité. L'étiquette " agile " est posée, mais l'essentiel - la confiance, l'autonomie, la capacité d'adaptation réelle - reste absent.
Quand l'agilité se retrourne contre elle-même
Ironie de l'histoire : l'agilité, née pour simplifier, peut devenir un carcan supplémentaire. Des entreprises mettent en place des "frameworks " lourds ( comme SAFe, etc.) qui mutiplient les couches de processus et de rôles, jusqu'à reproduire la bureaucratie qu'elles prétendent combattre.
Au lieu de libérer l'énergie créative, l'agilité se fige en recettes statiques. On " fait du Scrum " comme on suit un manuel, sans en comprendre le sens. La méthode supplante l'esprit.
Revenir à l'essence
L'agilité véritable n'est ni un mot magique ni un ensemble de rituels. C'est une capacité d'adaptation concrète et continue, qui demande :
Du courage : accepter l'inconfort du changement permanent.
De la confiance : déléguer réellement le pouvoir de décision aux équipes.
De l'humilité : reconnaître que l'on ne sait pas tout, que l'on apprend en avançant.
De la simplicité : se concentrer sur ce qui apporte de la valeur, et non sur la conformité à un cadre.
Ces qualités sont rares, car elles exigent un travail profond de culture organisationnelle. L'agilité n'est pas un vernis ; c'est une transformation.
Et si on arrêtait d'en parler ?
Peut-être que le meilleur service à rendre à l'agilité aujourd'hui est... de ne plus en parler. De la pratiquer, sans l'ériger en totem. De remettre le mot à côté pour se concentrer sur ce qu'il recouvre : l'écoute, l'expérimentation, l'adaptation, le sens.
Comme le disait le sociologue Edmond Morin, " les mots qui brillent trop finissent par aveugler ". L'agilité a assez brillé pour devenir une coquille vide. À nous de retrouver la lumière derrière l'étiquette. On en a vraiment besoin.
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