" La minute management et coaching #292 " Manager : êtes-vous complice du monde que vous contribuez à fabriquer ?
- Jean-Luc FOURNEAUX
- 30 sept.
- 6 min de lecture

Nous sommes à une époque de bifurcation, et il va falloir choisir. Le monde produit par nos organisations ( politiques, économiques, sociales ) est de plus en plus mis en cause : crise climatique, inégalités croissantes, perte de biodiversité, risques psychosociaux, crise de sens pour les individus.
Les dirigeants, les managers, les responsables sont au coeur de ce maillage : ils décident, impulsent, ferment des possibles.
La question est : pouvez-vous, en tant que manager, vivre en conscience avec le monde que vous contribuez à fabriquer ? Et surtout : pouvez-vous agir autrement ?
Le monde actuel : l'état des lieux
Avant de juger ce que nous fabriquons, il faut comprendre ce que ce monde est, ses signaux, les crises qui le secouent et s'aggravent.
La Crise climatique
L'alerte se répète: réchauffement global, évènements extrêmes ( inondations, vagues de chaleur, ouragans ).
L'accord de Paris (2015) impose de contenir le réchauffement " bien en dessous de 2°C " voire 1,5°C. Or, selon les trajectoires actuelles, le monde est en voie de les dépasser.
L'effondrement de la biodiversité
Dégradation des écosystèmes terrestres et marins, extinction d'espèces, perte de services naturels (pollinisation, purification de l'eau, etc.).
Les inégalités sociales, économiques et géographiques
L'écart entre très riches et très pauvres s'accroît. Les populations vulnérables subissent d'abord les effets du dérèglement écologique ( chaleur, pollution, accès à l'eau, etc.).
Le risque que la transition écologique creuse encore les inégalités si elle n'est pas juste.
La crise du sens et de la confiance
Les jeunes générations questionnent la légitilité des organisations, des institutions, des identités professionnelles. Et ils ont raison.
Défi de la confiance : entre organisations et parties prenantes ( salariés, clients, société civile).
Le cadre juridique et normatif qui se durcit
En Europe, des lois récentes renforcent le devoir de vigilance des entreprises ( surveillance des chaînes d'approvisionnement, transparence sociale et environnementale).
Reporting extra-financier, normes ESG, labels RSE, normes ISO, etc.
Le rôle du manager : responsabilités, tensions et paradoxes
Un manager n'est pas un simple exécutant. Il prend des décisisons, structure des équipes, façoone la culture, pèse les priorités de l'entreprise.
Décider des priorités : court treme vs long terme
Les impératifs financiers immédiats ( rentabilité, cashflow, dividendes, coût de revient ) poussent souvent à externaliser les impacts, à différer les investissements durables, à ignorer les coûts cachés (pollution, santé, etc.).
Un manager peut être évalué parfois trimestriellement, ce qui ne laisse pas toujours de place aux stratégies sur 5, 10, 15 ans.
La pression des parties prenantes
Les actionnaires ou investisseurs peuvent privilégier le retour sur investissement rapide.
Les clients peuvent exiger des produits bon marché, même s'il y a des compromis sur l'éthique ou la durabilité.
Les salariés cherchent sens, équité : la société attend transparence, responsabilité ; l'environnement exige respect des limites.
La complexité des chaînes de valeurs / externalités
Beaucoup d'impacts ne se voient pas directement dans l'entreprise (pollution en amont, conditions de travail chez les fournisseurs, effets environnementaux globaux ).
Le manager ne maîtrise pas tout : sous-triatance, logistique, régulation publique, marchés internationaux, etc.
Le greenwashing, biais cognitifs et inertie organisationnelle
Tendance à communiquer sur ce qui va bien plutôt que sur ce qui doit changer.
Biais de statu quo : ce qui est fait depuis longtemps est plus facile à maintenir que remettre en cause les fondations.
Résistance au changement, coûts de transition, peurs (coûts, perte de part de marché, changement culturel).
Conscience mais sentiment d'impuissance
Beaucoup de managers savent que quelque chose ne va pas, voient les signaux, mais doutent de leur capacité à faire autrement.
Crainte de sanctions économiques ou professionnelles.
Pouvez-vous vivre avec le monde que vous contribuez à fabriquer ?
Vivre signifie : avoir conscience, pouvoir se regarder en face, accepter les conséquences ( morales, personnelles, sociales ), ne pas fermer les yeux.
L'alignement éthique personnel
Le manager doit clarifier ses propres valeurs : qu'est-ce qui est non négociables ?
Voire se poser la question : suis-prêt à faire des compromis ? Lesquels ? À quel coût ?
La transparence et responsabilité
Choisir de mesurer les impacts, même ceux qui sont invisibles (émissions indirectes, conditions de travail en amont, biodiversité, etc.).
Rendre compte, communiquer honnêtement (et non seulement ce qui est positif).
Penser les effets systémiques
Ne pas se limiter à ses propres produits ou processus, mais regarder l'ensemble : société, nature, interconnexions.
Promouvoir la coopération : avec les fournisseurs, les collectivités, certaines ONG, et les concurrents éventuellement.
Agir sur ce qui peut l'être : innovation, révision des business models
Explorer des modèles économiques alternatifs (économie circulaire, économie de la fonctionnalité, modèles basés sur la durabilité, sur la réduction des ressources).
Innover : produits plus durables, services récupérables, zéro déchet, éco-conception, nouveaux modes de logistique.
Accepter que le changement nécessite pertes, renoncements et compromis
Il y aura des coûts économiques; parfois du temps perdu à transformer; de possibles pertes de clients ou d'avantages concurrentiels si d'autres ne suivent pas.
Mais renoncer ou retarder aujourd'hui revient souvent à payer bien plus cher demain (tant en monétaire qu'en souffrance sociale ou écologique).
Les leviers pour transformer le rôle de manager
Ce qu'il est possible de faire, et qui est déjà en cours, pour que vivre avec le monde que l'on produit devienne non seulement possible, mais désirable :
Les lois, les régulations, les normes contraignantes
Directive européeenne sur le devoir de vigilance: oblige à prendre en compte leur impact environnemental et social dans leurs chaînes d'approvisonnelment.
Reporting extra-financier : la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD).
Comptabilité intégrée / extra-financière
Intégrer dans les bilans d'entreprise des coûts sociaux et environnementaux.
Méthodes: analyse de cycle de vie, flux de matières, empreinte carbone, estimation monétaire des impacts, etc.
Engagement des parties prenantes
Dialogue avec salariés, communautés locales, ONG, consommateurs pour identifier ce qui compte vraiment.
Implication dans la stratégie, la gouvernance (comité RSE, conseil d'administration, etc.).
Formation et culture organisationnelle
Former les dirigeants, managers, collaborateurs aux enjeux climatiques, sociaux, écologiques.
Développer une culture d'éthique, de responsabilité, d'humilité.
L'innovation technologique, sociale, économique
Technologies vertes, énergies renouvelables, économie circulaire.
Réinventer des modèles de consommation, logistique, production.
Leadership moral
Prendre parfois des décisions impopulaires mais justes.
Inspirer, être exemplaire.
Angles morts, dilemmes, contradictions
Pour ne pas être autonome, pour ne pas être naïf, il faut reconnaître ce qui est difficile, ce qui peut sembler contradictoire, ce qui reste incertain.
Performance économique contre durabilité
le marché récompense souvent des gains à court terme. Le coût d'une transition peut être élevé : investissements, recherche, formation, perte d'efficacité temporaire.
Si les concurrents ne s'engagent pas, les entreprises durables peuvent être désavantagées.
Inégalités entre entreprises, secteurs, pays
Ce qui est possible pour une grande entreprise en europe peut être quasi impossible pour une PME dans un pays en développement.
Différents niveaux de ressources, capacités techniques, accès aux financements, infrastructures.
Limites de la règlementation et du droit
Une loi peut poser des limites mais l'application est souvent difficile, la surveillance coûteuse, les sanctions molles ou contournées.
Greenwashing et cynisme
Risque de communication purement symbolique, sans changement profond.
Déception des parties prenantes, cynisme, méfiance générale.
Fatigue, cynisme, usure morale
Le manager engagé peut souffrir de burnout moral si les résistances sont trop fortes, si les efforts semblent invisibles, si les contraintes s'accumulent.
Nécessité de soutien ( institutionnel, collectif ), de reconnaissance.
Peut-on " vivre avec " ? Oui, mais cela demande un surcroît de courage et une refondation
Vivre avec le monde que vous contribuez à fabriquer est possible et peut devenir source de sens, d'innovation, de résilience.
Accepter la tension
Vivre avec conscience, c'est accepté d'être tiraillé : entre ce qui est, ce qui doit être, ce qui peut être. Ne pas chercher la pureté mais viser la justesse.
Construire collectivement
le manager n'est pas tout seul. Il faut des alliances : au sein de l'entreprise, entre entreprises, avec la sociétté civile, avec les décideurs politiques.
Mesurer, corriger, apprendre
Mettre en place des boucles de rétroaction : mesurer les impacts, évaluer, corriger les trajectoires.
Imaginer le futur dès maintenant
Ne pas réagir seulement aux crises, mais anticiper : quel monde veut-on vraiment construire ? Quel patrimoine laisser ?
Faire de la transition une opportunité
Non seulement comme contrainte, mais comme levier d'innovation, d'avantage compétitif, d'attractivité pour les talents, d'alignement avec des marchés nouveaux.
Recommandations concrètes pour managers
Pour ne pas rester au niveau de la réflexion, quelques pistes d'actions par niveau :
Stratégie de l'entreprise : intégrer la durabilité dans la vision à long terme, dans le plan stratégique.
Gouvernance : créer un comité RSE / ESG, donner voix aux parties prenantes externes dans la gouvernance.
Indicateurs : mesurer les impacts directs et indirectes : carbone, biodiversité, bien-être au travail, égalité, etc.
Procédés: repenser les achats, la chaîne d'approvisionnement, la production, la logistique, l'uitilisation des matériaux, la recyclabilité.
Culture & RH : Former, sensibiliser, recruter avec des critères de responsabilité, valoriser les pratiques durables.
Le monde que nous contribuons à fabriquer ne se réduit pas à ce qui est visible, mesurable, rentable à court terme. Il comprend les silences, les externalités, les vies invisibles, les souffrances diffuses, les dégâts sur les écosystèmes, les injonctions morales non tenues. Si en tant que manager vous pouvez vivre en face de cela, avec conscience, responsabilité, et une volonté de trasnformation, alors non seulement vous vivrez, mais vous construirez quelque chose d'autre, peut-être plus juste, plus viable, plus humain.
Il faut d'abord regarder le monde, l'admettre, le juger, le quitter parfois, le changer souvent. Et cela commence dans des petites décisions, les choix de tous les jours, les compromis consentis.
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